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Apprentissage

À peine Alix eut-il prononcé la formule pour soustraire les vouivres et Naïla à l’emprise du temps que d’étranges phénomènes se produisirent. En premier lieu, les vouivres, de constitution totalement différente, ne purent être englobées dans l’espace-temps ; elles se figèrent plutôt, à l’image de statues de marbre. Alix se souvint alors de ce que son maître de magie temporelle lui avait autrefois expliqué. Tout dépendant de l’espèce, de l’endroit et du moment, tous ne répondaient pas de la même façon aux différentes magies temporelles. Il était extrêmement difficile de le prévoir et il fallait vivre avec les conséquences de ce que l’on provoquait. En ce qui concernait les vouivres, le jeune homme soupçonnait l’escarboucle qu’elles portaient au front de les protéger de certaines formes de magie. Il était prêt à parier qu’elles retrouveraient leur mobilité dès que le sort serait rompu. Par contre, la deuxième chose était plus bizarre et inexplicable en soi.

Au lieu de rester au même endroit et de simplement arrêter le cours du temps, lui, Naïla et les statues des vouivres s’étaient retrouvés dans un environnement totalement différent. Autour d’eux, il n’y avait strictement rien. Rien de rien ! Le corps de Naïla reposait directement sur le sol de pierre d’une immense grotte vide.

— Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire encore ! gronda Alix. Comme si je n’avais pas assez de problèmes ! Je n’ai même pas de lit pour y étendre Naïla.

Bien qu’il fut soulagé d’avoir enfin la Fille de Lune sous les yeux, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Sa pensée purement matérielle eut alors un effet étonnant : un lit se matérialisa instantanément. Alix fronça les sourcils, réfléchissant à toute vitesse. En même temps, il souleva le corps de Naïla et le déposa sur la paillasse nouvellement arrivée. Il fit ensuite un test pour vérifier l’extravagante théorie qui venait de germer dans son esprit. Sans prononcer le moindre mot, il se contenta d’espérer une couverture de laine, des vêtements pour lui et Naïla, de la nourriture, de même qu’un guérisseur. S’il ne s’était pas trompé, tous ses désirs se verraient comblés sauf la présence du guérisseur. Quelques secondes à peine suffirent pour le conforter dans sa théorie. Il couvrit Naïla, jeta un œil distrait aux vêtements et à la nourriture avant de se remettre à réfléchir.

Ce qu’il venait d’accomplir n’avait aucun sens. Cette puissante forme de magie était réservée aux Sages particulièrement doués et possédant une longue expérience de même qu’aux Filles de Lune assermentées depuis plus d’une centaine d’années ou d’une puissance hors du commun. Bien que Naïla fasse partie de cette dernière catégorie, il était impossible qu’elle soit la cause de ce prodige. Les désirs réalisés étaient ceux du Cyldias et non de la Fille de Lune.

Alix avait autrefois appris que ce pouvoir résultait d’une maîtrise parfaite du temps, de l’espace et de tous les éléments qui composaient les univers de Darius. On pouvait alors choisir de créer une cellule temporelle à l’endroit même où l’on se trouvait ou bien se transporter dans un espace temporel : un endroit créé de toutes pièces qui répondait à un besoin spécifique et immédiat. On pouvait ensuite y faire apparaître tout ce dont on avait besoin, exception faite des êtres de chair et de sang. Lorsque le mage mettait un terme au sortilège, il réapparaissait à son point de départ. Or, Alix n’aurait pas dû être capable d’une telle magie. Décidément, il y avait bien des aspects de sa vie et de ce qu’il était qui lui échappaient depuis quelque temps… Il sonda le corps de Naïla en profondeur, cherchant les marques de blessures. Il se traita d’imbécile en réalisant soudain que la jeune femme n’était plus enceinte. Où étaient les nouveau-nés ? Il allait devoir les retrouver avant de quitter Mésa et s’assurer qu’ils seraient élevés dans le plus grand secret, par des êtres compétents, jusqu’à ce qu’il puisse venir les récupérer en toute sécurité. Pour le moment, il devait se concentrer sur cette immense queue de poisson. Cet appendice aurait dû disparaître sitôt la Fille de Lune hors de l’eau. Était-ce seulement la faiblesse qui avait entraîné cette incongruité ? Il l’espérait.

Au terme d’une longue réflexion, il en vint à la conclusion que les blessures de Naïla nécessitaient davantage de repos et de temps qu’une intervention magique. Commença alors une longue veille.

 

* *

*

 

Les effets de la potion ingurgitée par Naïla durèrent plus de quarante-huit heures. Lorsqu’elle commença à s’agiter, Alix plongea la jeune femme dans un sommeil artificiel qu’il espérait voir se prolonger quelques jours pour favoriser une guérison totale. À sa grande surprise, son sortilège s’étira sur plus de dix jours, l’inquiétant même. Encore une bizarrerie qu’il lui faudrait éclaircir. Ou ses pouvoirs refusaient de fonctionner ou bien ils en faisaient trop ! Heureusement, les Âmes régénératrices de la Fille de Lune veillaient aux multiples fonctions vitales, libérant le jeune homme de ce souci.

Pendant tout le temps que dura ce sommeil réparateur, Alix pansa magiquement ses propres blessures, se lava et changea de vêtements. Il profita de ce temps d’arrêt forcé pour réfléchir aux différents changements qu’il percevait en lui et dont il ne cernait pas la source. Même s’il n’en retirait à peu près que des bienfaits, il se méfiait. La magie n’apportait rarement que des avantages. Alors qu’il tentait diverses expériences magiques, cherchant à connaître les limites de ses capacités, Naïla s’agita sur sa couche, faisant craquer la paille, puis ouvrit les yeux.

* *

*

— Où suis-je ? murmurai-je en clignant des paupières dans la demi-pénombre.

Je n’entendais rien autour de moi et ce silence avait quelque chose d’oppressant. Puis une réponse vint, qui me réconforta.

— Dans une cellule temporelle.

Bien que je ne sache pas ce que c’était, le fait qu’Alix y soit avec moi me suffisait. Je tentai de me redresser et y parvint sans peine, à ma grande surprise. Je m’adossai ensuite à la paroi de pierre contre laquelle ma paillasse était poussée. D’un regard, j’embrassai mon environnement, mais je n’en retirai pas la moindre information pertinente, si ce n’est que nous étions dans une grotte. Je laissai échapper malgré moi :

— Encore une fichue caverne ! Il n’y a donc rien d’autre dans cet univers ?

La réplique ne se fit pas attendre, cinglante.

— Désolé, Majesté, les châteaux étaient tous pris…

« Certaines choses sont immuables, me dis-je. Comme le comportement de mon Cyldias à mon égard…» Pourtant, en dépit du sarcasme de la remarque, son ton semblait moins revêche qu’à l’habitude. J’allais répliquer lorsque je me rendis compte que j’avais retrouvé mes jambes. Surprise, je bredouillai :

— Où est ma queue de sirène ?

Je dus donner l’impression d’une gamine déçue d’avoir perdu quelque chose qui lui plaisait particulièrement parce que la riposte de mon Cyldias fusa, agacée :

— Disparue alors que vous récupériez vos forces physiques et magiques. Et c’est très bien ainsi. Je n’aurai pas à vous porter dans mes bras. J’ai déjà donné plus que ma part…

Quelle que soit la portion de ma vie qui m’avait échappé, il était clair que j’avais été un poids pour Alix, dans tous les sens du terme. Je n’avais pourtant pas l’intention de m’en excuser et le lui dis sans détour.

— Et c’est ma faute si vous vous êtes retrouvé prisonnier d’une espèce de pierre translucide et que j’ai dû me taillader la peau pour vous en sortir ? Ne me remerciez surtout pas de vous avoir sauvé la vie encore une fois ! C’est bien plus facile de…

— Non, mais je rêve ! siffla-t-il. Madame pense que je vais chanter ses louanges parce qu’elle m’a supposément sauvé la vie. Je vous rappelle que si vous aviez réussi votre traversée sans vous gourer, je n’aurais pas été obligé d’aller vous chercher au péril de ma vie. Et si vous aviez réfléchi un tant soit peu, vous ne vous seriez pas servi d’une dague créée pour tuer les Filles de Lune maudites pour vous creuser un sillon sur la poitrine…

Sa voix s’était sensiblement durcie au fur et à mesure qu’il parlait, laissant présager une sainte colère. Mais je n’en avais cure. Ma propre colère risquait de prendre le dessus.

— Comment étais-je censée savoir que cette dague avait été forgée dans ce but précis, hein ? Vous ne m’expliquez jamais rien, mais je devrais tout savoir. Vous trouvez que c’est logique comme façon de penser ?

— Plus logique que le fait que vous soyez une Fille de Lune, certainement !

Je m’étais levée pour le confronter, ayant l’impression qu’il me dominait lorsque j’étais assise. Pour sa part, il s’était rapproché inconsciemment. Nous nous faisions maintenant face, la frustration engendrée par nos obligations mutuelles alimentant notre exaspération face aux épreuves qui nous accablaient sans relâche.

— J’en ai drôlement marre de courir sans cesse derrière vous pour réparer vos gaffes. Et j’en ai plus qu’assez de tenter de vous garder en vie alors que vous vous ingéniez à vous mettre les pieds dans les plats…

— Parce que vous croyez que je le fais exprès ! éclatai-je de rage mal contenue.

Je m’étais avancée en vociférant, jusqu’à me retrouver sous son nez. Ma pulsion première : lui cracher à la figure qu’il me devait la vie deux fois plutôt qu’une, ma résurrection par Alana ayant évité qu’il ne passe l’arme à gauche. Mais cette phrase ne franchit jamais mes lèvres, envahissant plutôt mon esprit par ses ramifications. Le fait qu’il me doive la vie impliquait qu’il m’aimait… Et si je n’avais pas eu le loisir d’y repenser depuis ma rencontre avec Alana, voilà que cette possibilité s’imposait à nouveau, me déstabilisant. Je perdis le fil de notre dispute et restai là, bouche bée, incapable de poursuivre sur ma précédente lancée.

— Vous ne le faites peut-être pas exprès, mais vous ne semblez pas non plus vous creuser les méninges pour l’éviter ! Je ne vais tout de même pas vous prendre en pitié ! Si vous n’êtes pas capable de…

Mais je ne l’écoutais plus qu’à demi, tétanisée par une sensation d’irréel. Son comportement à mon égard n’avait rien d’amoureux ; pourtant, les récents événements prouvaient le contraire.

— … se demander si vous êtes capable de faire quelque chose par vous-même !

Il me dévisageait maintenant avec acrimonie. Ma fureur reprit instantanément de sa vigueur, intensifiée par mon sentiment de frustration face à son entêtement, et ma main vola. Elle n’atteignit pas sa cible, freinée dans son élan par celle d’Alix. J’essayai de me dégager, mais il tint bon, le regard traversé d’une lueur inquiétante. Un bref instant, je me trouvai plongée dans le passé et je revis Alejandre avant de me ressaisir, confrontée à la couleur unique des yeux de mon Cyldias. Il respirait bruyamment, sa poigne de fer encerclant mon poignet. Le corps secoué de tremblements, je fulminais. J’aurais voulu lui arracher ses yeux si particuliers simplement pour retrouver mon aplomb. Je tentai de reculer, tirant énergiquement sur mon bras gauche. J’aurais voulu m’enfuir loin de lui, mais en même temps, je devais dompter une incroyable envie de me précipiter dans ses bras puissants. J’avais besoin d’espace, mais aussi de réconfort, de recul autant que de chaleur humaine. Il ne me laissa aucune chance, resserrant même son emprise sur mon bras.

Je fis une ultime tentative pour me libérer. Si, un instant, je crus qu’il me lâchait enfin, je déchantai rapidement. Il desserra son étreinte, lâchant même mon poignet une seconde, avant de se pencher légèrement vers moi et d’attraper mes bras, me ramenant brusquement à lui. Tout se passa trop vite. Déséquilibrée, je me retrouvai le nez dans sa poitrine. Je serrai les dents et les poings, inspirant avec force. Dans une impulsion désespérée, je tentai encore une fois de me dégager. En vain. Je voulus le griffer, mais ma position me permit à peine d’effleurer sa peau.

— Ça suffit comme ça ! Calmez-vous ou je ne réponds plus de rien !

Alix avait voulu parler d’une voix dure, mais je perçus autre chose, comme une menace. Poussée dans mes derniers retranchements, je plantai mes yeux dans les siens et sifflai entre mes dents serrées, haletant encore de mon effort d’affranchissement :

— Vous allez faire quoi ? Me battre ? Me torturer ? Me violer ? Allez-y, ne vous gênez surtout pas. De toute façon, nos rapports pourraient difficilement être plus désastreux qu’ils ne le…

Je ne finis jamais ma phrase. Il plaqua ses lèvres sur les miennes avec une telle violence que nos dents s’entrechoquèrent. Sa langue se fraya insidieusement un passage et la chaleur de sa bouche se répandit comme une traînée de lave dans mon corps en manque. Un désir sauvage monta en moi, comme un affront à ma fureur. Mes propres sens me trahissaient. Je tentai de me soustraire à son emprise, mais ses mains lâchèrent prestement mes bras pour se souder à mes hanches, m’empêchant de reculer. Image parfaite de mes sentiments contradictoires, ma bouche restait rivée à la sienne. Je mordis sa lèvre inférieure. Loin de le décourager, il resserra son étreinte, plaquant son corps contre le mien. Ses mains se refermèrent sur mes fesses dans une poigne presque douloureuse. Instinctivement, j’en fis autant.

Des mois de désir refoulé remontèrent instantanément à la surface, attisant le feu qui couvait depuis trop longtemps. Sans quitter ses lèvres, de peur que les miennes, assoiffées, ne les retrouvent plus, je déchirai sa chemise tandis que ses mains s’insinuaient sous mon corsage. Elles épousèrent bientôt mes seins, dont les pointes se durcirent sous le mouvement circulaire de ses pouces. Je glissai alors mes mains sous la ceinture de son pantalon. Comme un signal, nos gestes se firent encore plus avides. Nos vêtements atterrirent pêle-mêle sur le sol avant même que je ne réalise que nous étions nus. Les caresses d’Alix oscillaient dangereusement entre la douceur et la rudesse, voire l’urgence. Ma respiration se fit plus saccadée tandis qu’il me poussait vers la paillasse. Fermement agrippée à son cou, je sentais son souffle chaud au creux de mon épaule. Le désir puisait dans mon sexe, brut, presque douloureux. Me tenant d’une seule main, il me déposa sur le lit avec une délicatesse inattendue. Lorsqu’il s’allongea sur moi, je l’accueillis d’emblée entre mes jambes, pressant mes hanches contre les siennes dans une invite sans équivoque. Son membre dur palpitait en moi, me possédant déjà. Je plantai mes ongles dans son dos alors qu’il empoignait mes cheveux à deux mains, tirant ma tête vers l’arrière. Son lent mouvement de va-et-vient, auquel je me joignis, devint de plus en plus rapide. En quelques minutes, nous atteignions l’extase, dans une jouissance libératrice, qui me laissa pantelante et à bout de souffle.

Ce moment intense prit fin abruptement quand j’entendis Alix jurer tout près de mon oreille. « Ça y est, me dis-je, voici venu le pénible retour à la réalité. » Mon protecteur roula sur le côté, vers le mur. J’ouvris les yeux, fixant la voûte. Contre toute attente, les larmes me montèrent aux yeux, l’appréhension de ce qui allait suivre me gagnant. Je craignais de payer cher ce moment d’égarement de la part de mon Cyldias.

Silencieuse, je me levai à la hâte, ramassant ma jupe et mon corsage sans un regard derrière. Je m’attendais à ce qu’il en fasse autant, mais je ne perçus que quelques crissements de paille, puis plus rien. Les mains tremblantes, je m’habillai gauchement. Je pris ensuite une longue inspiration avant de me retourner pour lui faire face. À ma grande surprise, il était toujours sur la paillasse, les coudes appuyés sur les genoux, les mains dans les cheveux, les yeux au sol. Je l’entendis respirer profondément à maintes reprises, mais il n’émit aucun commentaire.

J’ignorais quoi dire pour rompre le silence pesant qui s’était installé. Nous n’avions jamais été aussi seuls au monde, dans tous les sens du terme. Plantée là comme une vulgaire potiche, le cœur et le corps encore troublés par nos ébats, je ne savais que faire. En désespoir de cause, je demandai stupidement :

— On peut rester combien de temps ainsi, hors de portée de tous ?

Changement de sujet maladroit, mais combien nécessaire.

— Le temps qu’il faudra…

Réponse laconique, qui ne m’aidait en rien. Je le fixais toujours, incapable de détacher mes yeux de son corps musclé, couvert de cicatrices. Nerveuse, je croisai les bras sur ma poitrine. Je frissonnai soudain, la chair de poule hérissant mon dos. L’endroit était humide et l’air trop frais. La chaleur du désir évaporée, il ne me restait rien pour me garder au chaud.

— Vous pourriez faire du feu ?

Ma question le fit tressaillir, puis hocher la tête de droite à gauche, sans quitter le sol des yeux.

— Vous êtes censée être la Fille de Lune la plus puissante de la Terre des Anciens et vous n’êtes même pas fichue de vous tenir au chaud…

Il releva la tête à la fin de sa phrase, me regardant droit dans les yeux, ricanant avant d’inspirer profondément.

— Quand donc allez-vous prendre votre avenir en main au lieu d’attendre que quelqu’un le fasse pour vous ?

— Espérons qu’il me faudra moins de temps que vous n’en prenez pour avouer que vous m’aimez !

J’avais répliqué haut et fort, le laissant coit. Encore frustrée, je serrai les dents et me concentrai sur mon besoin de chaleur comme si ma vie en dépendait. Quelques secondes plus tard, j’eus le bonheur de sentir une onde bienfaisante se répandre en moi. Fière de moi, je défiai Alix, qui détourna les yeux, visiblement mal à l’aise. Était-ce le fruit de ma réussite ou ma remarque… ?

Considérant probablement que ce tête-à-tête avait assez duré, Alix se leva soudain. Il était toujours nu, ce qui ne semblait pas le déranger outre mesure. Pour ma part, je devais faire de notables efforts pour faire abstraction de ce détail. Me tournant le dos, mon Cyldias se pencha nonchalamment, son arrogance retrouvée, pour récupérer ses vêtements. Je haussai les sourcils, intriguée. Non seulement son dos était couvert de cicatrices effrayantes, mais il avait une marque étrange à la naissance des fesses. Inconsciemment, je me rapprochai. Il se releva à ce moment, me donnant une vue d’ensemble – au demeurant fort agréable – de ce qui représentait un dragon. Quelle marque singulière ! Je n’avais jamais entendu parler d’une tache de naissance aussi définie. Il est vrai que, dans ce monde étrange, j’étais loin d’avoir tout vu…

— Pourquoi cette marque sur…

Je fus incapable de finir ma phrase, craignant de dire des bêtises.

— Un héritage de mes ancêtres, semble-t-il… Vous appréciez la vue ?

Il s’était retourné lentement pour me faire face. Difficile de nier que j’appréciais, en effet. Rougissante, je détournai les yeux, ce qui me valut un sourire narquois.

Il regardait sa chemise ruinée. Finalement, il la laissa tomber, comprenant qu’elle était inutilisable. Je soupirai, incapable de prendre une quelconque décision quant à la suite des événements. Mon protecteur le fit bientôt pour moi.

— Nous allons profiter du fait que nous sommes hors d’atteinte pour parfaire une partie de vos pouvoirs sous-utilisés. Nous ne verrons que l’essentiel pour ensuite sortir d’ici, nous débarrasser des sorcières d’eau, retrouver vos enfants et regagner la Terre des Anciens.

Je fronçai le nez à l’énoncé de ce programme très chargé à mon avis. Je ne dis rien cependant, jugeant le moment mal choisi pour remettre nos différends sur le tapis.

 

* *

*

 

Aux dires de mon Cyldias, il s’écoula quatre longues semaines avant qu’il ne me considère prête à affronter la vie qui m’attendait. Je ne maîtrisais pas encore parfaitement tous mes pouvoirs, mais j’avais progressé de belle façon comparativement à mes rares essais précédents. Restait maintenant à savoir si j’aurais autant de succès dans la vraie vie.

Fidèle à ses habitudes, Alix ne m’avait rien épargné. J’avais de nombreuses ecchymoses et des courbatures à force de reproduire des gestes propres à lancer des sortilèges, de même qu’à me défendre physiquement. Mon Cyldias estimant que la seule maîtrise de la magie ne pourrait pas toujours suffire, il avait pris un malin plaisir à m’apprendre les rudiments du combat à mains nues et l’utilisation d’armes blanches. Malgré les rapprochements que nécessitait ce genre d’apprentissage, jamais mon protecteur n’avait cédé à l’appel du désir, faisant montre d’une incroyable retenue. Malheureusement, ma propre anatomie était de plus en plus réfractaire à l’abstinence.

— C’est aujourd’hui que nous allons revenir sur Mésa, au moment même où nous en sommes disparus. Tu dois donc – à mon grand soulagement, il avait finalement délaissé le « vous » – reprendre la même position sur la paillasse et, surtout, ne pas ouvrir les yeux avant mon signal. Je vais tenter de nous sortir de ce mauvais pas sans que tu aies à intervenir, mais je ne sais pas si ce sera possible. Sinon…

Il marqua une courte pause, avant d’ajouter en me lançant un regard en coin :

— Il faudra que l’on use de méthodes moins diplomates.

Malgré mes progrès, il n’avait toujours pas réellement confiance en moi. Il doutait que je puisse être efficace dans la vraie vie. Il n’avait peut-être pas tort, mais jamais je ne l’aurais admis devant lui.

— Comme je l’ai déjà mentionné, reprit-il, les vouivres, même si elles reprendront leur forme d’origine et leur vitalité, ne pourront pas nous aider. Elles n’ont que peu de pouvoirs magiques et ceux-ci ne sont pas agressifs, mais plutôt guérisseurs et défensifs. Nous ne devrons donc compter que sur nous deux. Tu y parviendras ?

Le ton narquois, voire sarcastique, de la dernière remarque me donna soudain des envies de meurtre. S’il était moins déplaisant ou arrogant qu’avant, il lui arrivait encore de laisser libre cours à sa nature première. Il refusait également d’aborder la question d’amour entre nous, ignorant la moindre allusion à ce sujet. J’étais donc de plus en plus nerveuse et la dualité de mes sentiments face à lui menaçait de me rendre agressive. De plus, je n’étais pas convaincue que notre mise en scène fonctionnerait. Alix ne portait plus les mêmes vêtements, moi non plus, et j’avais perdu ma queue couleur corail.

— Allons-y qu’on en finisse, fut tout ce que je trouvai à répondre, avant de m’étendre sur la paillasse, les yeux clos, une couverture de laine couvrant le bas de mon corps.

Quelques instants plus tard, nous étions de retour dans la bicoque d’une sorcière d’eau.

 

* *

*

 

Incommodée par la longue utilisation d’une cellule temporelle par Alix, Delphie avait dû reporter à plus tard son projet de se rendre dans le village voisin. Le dernier mois avait été difficile pour elle. Elle n’avait pas perdu conscience, ni fait d’horribles cauchemars comme d’habitude. Mais elle se sentait souvent confuse, perdait parfois le fil du temps, était distraite, fixant indéfiniment un point sur l’horizon.

Plus que jamais, toutefois, elle se promit de trouver quelqu’un pour l’aider à éclaircir la situation, et ce, dès qu’elle irait mieux…

 

* *

*

 

Il n’y avait personne autour de nous, semble-t-il, si ce n’est les vouivres dont je reconnus immédiatement les voix. Elles avaient donc retrouvé leur mobilité. Alix n’eut même pas le loisir d’émettre le moindre commentaire, la porte de la masure s’ouvrant à la volée sur un courant d’air.

— Mes imbéciles de consœurs ne se sont pas rendu compte que nous vous avions laissés seuls, maugréa une voix déplaisante. Heureusement, je suis moins bête qu’elles.

— Que se passe-t-il ? s’enquit Alix.

— Les nixes, qui étaient censées nous ramener la Fille de Lune que nous avons déjà, ont cru bon de se racheter en capturant certaines de vos compagnes.

Circa s’écria :

— Elles n’ont rien à voir dans cette histoire ! Relâchez-les !

La sorcière émit un ricanement sinistre.

— Vos pouvoirs de transformation nous fascinent depuis des siècles, mais nous avons rarement la chance de pouvoir étudier l’une d’entre vous. Vous seriez stupide de croire que nous vous ferons la grâce de les relâcher.

— Je prendrai leur place…

Le ricanement de la sorcière redoubla.

— Vous ne prendrez pas leur place, vous leur tiendrez compagnie. Vous ne vous imaginiez quand même pas que nous vous laisserions partir…

J’eus un pincement au cœur en pensant que je ne pourrais probablement pas leur sauver la vie, mais je n’y pouvais rien. Il y a des choses que l’on doit accepter comme elles sont. La vouivre ne répondit pas. Puis la porte s’ouvrit une fois de plus.

— Qu’est-ce que tu attends pour la tuer ?

— Vous êtes consciente qu’une fois morte, elle ne pourra plus vous être d’aucun secours.

— Il me semblait, jeune homme, que tu connaissais bien les Filles de Lune ?

— Pourquoi cette question ? demanda Alix, méfiant.

— Tu dois donc savoir que, si elle est une véritable Fille de Lune, sa mort sera inévitablement suivie de l’apparition…

— … d’un talisman renfermant ses pouvoirs et son savoir. Je sais aussi qu’il faut être une Fille de Lune pour en retirer son essence magique.

— Peut-être, mais il n’en demeure pas moins qu’un talisman entre nos mains vaut plus qu’une Fille de Lune en si piètre état et qui ne voudra pas coopérer. De plus, comme il est écrit que le retour d’une Fille de Lune sur Mésa entraînera immanquablement d’immenses bouleversements et la disparition de la plupart des espèces qui y vivent, je ne vois pas pourquoi nous ne tenterions pas d’éviter pareille carnage. Je ne suis peut-être pas une admiratrice des vouivres et des sirènes, mais je tiens à préserver ma vie et celle de mes semblables. Et les nixes ont beau être bêtes, elles n’en sont pas moins utiles. Ceci étant dit, j’aimerais bien qu’on en finisse. Plus vite on pourra étudier les vouivres et le talisman, mieux ce sera.

Alix contint son exaspération. Une part de lui appréhendait la suite. Même si Naïla avait grandement progressé, sa magie était encore souvent instable et dangereuse. Il adressa une courte prière à Alana, puis adopta une tactique plus offensive.

— Puisque vous ne semblez pas vouloir changer d’idée, je suppose que je n’ai d’autre choix que de m’exécuter.

Alix s’approcha lentement de Naïla. À peine avait-il tendu les mains au-dessus de la jeune femme qu’un cri se fit entendre. Une sorcière d’eau pointait la couverture qui recouvrait les jambes de la Fille de Lune. Alix jura intérieurement. Jusqu’à présent, personne n’avait remarqué l’apparition de la couverture. La sorcière qui semblait mener le petit groupe s’approcha et tira d’un coup sec sur le tissu rêche. Un murmure se répandit quand les jambes de la jeune femme s’offrirent aux regards.

— Quand s’est-elle transformée ? Et d’où vient cette couverture ?

La suspicion se lisait maintenant sur les visages. Une sorcière tendit soudain la main devant elle, mais Alix para le coup par un retour de sortilège. La sorcière se trouva aussitôt ligotée par une espèce de corde végétale d’un vert criard.

— Tu peux cesser ta mascarade, princesse. J’ai besoin d’un coup de main…, lança Alix par télépathie.

 

* *

*

 

Cette nouvelle habitude de m’appeler princesse m’irritait au plus haut point. Je n’avais malheureusement pas le temps de lui dire ma façon de penser. J’ouvris les yeux et me redressai subitement, à la surprise générale. Les quelques secondes de commotion qui suivirent furent amplement suffisantes pour que je sème la panique dans les rangs des sorcières d’eau. Grâce à un sortilège de répulsion, je repoussai la dizaine de femmes contre les murs de la cabane. Puis, créant une pression insoutenable dans la boîte crânienne de quatre d’entre elles – le maximum de victimes que je pouvais faire en une seule fois –, je les conduisis à l’évanouissement. Concentrée sur ma tâche, je ne pus éviter un sortilège qui me frappa en pleine poitrine. La sensation de brûlure intense me fit hurler de douleur et de rage. Je relevai la tête, déterminée à me venger, mais une seconde charge m’atteignit aux jambes, me faisant vaciller. Les yeux brouillés par des larmes de souffrance, sentant avec soulagement mes Âmes à l’œuvre, je tentai d’atteindre deux des sorcières qui me faisaient face. J’utilisai la même médecine qu’elles, c’est-à-dire les brûlures. Les cris de fureur qui me répondirent m’encouragèrent, mais ma satisfaction fut de courte durée. Une sensation d’engourdissement se répandit bientôt dans mes membres déjà affectés par les brûlures. Je dus fournir de gros efforts pour ne pas tomber. Source de mon malaise, l’une des sorcières affichait un écœurant sourire de contentement. Il me fallut quatre sortilèges différents pour venir à bout de cette harpie. Je ne m’en sortais toutefois pas indemne. Mon bras droit refusait maintenant toute extension et un sifflement lancinant me vrillait les tympans, m’empêchant d’entendre correctement. Je commençais à m’essouffler sérieusement. Sur ma gauche, je percevais la silhouette d’Alix qui se débattait. Je ne voyais plus que deux sorcières encore debout, mais je n’eus pas le loisir de m’en réjouir alors que des dizaines de petits êtres bizarres – sûrement des nixes – s’agglutinaient sur le seuil.

— Saloperie de bestioles ! ne pus-je m’empêcher de jurer.

Alix m’ayant dressé un portrait détaillé de la faune de Mésa, je n’avais guère envie de me battre avec ces êtres dépourvus de pouvoirs, mais trop bien pourvus de crocs acérés semblables à ceux des crocodiles. Ils ne mordaient pas, ils déchiquetaient. Tandis que trois d’entre eux fonçaient droit sur moi, l’engourdissement de mes membres continuait de prendre de l’ampleur. Un cri de douleur de même qu’un juron m’informa qu’Alix ne s’en tirait pas sans peine. Alors que l’environnement devenait glacé, je me débarrassai enfin des deux dernières sorcières d’eau qui m’attaquaient. Trop tard toutefois pour avoir le temps de parer à l’attaque des nixes qui fondirent sur moi en une nuée nauséabonde. Je sentis bientôt des dizaines de petites dents s’enfoncer dans ma chair tandis que je tombais à la renverse. C’est à ce moment que la rage déferla en moi, aussi salvatrice que destructrice. Je hurlai une formule sortie des tréfonds de ma mémoire et une lumière aveuglante illumina l’endroit devenu trop étroit pour nous contenir tous. La voix d’Alix cria non dans mon crâne juste avant qu’un bruit infernal se fasse entendre, suivi de vagues successives de chaleur et de froid. Puis plus rien…

* *

*

En entendant l’incantation de Naïla, Alix comprit qu’il devait se protéger s’il ne voulait pas se retrouver inapte à se défendre pour une très longue période. Ou pire, perdre la vie. La bulle protectrice qu’il forma autour de lui eut tout juste le temps de se refermer avant que le désastre ne s’amorce. Le Cyldias ignorait d’où la jeune femme tenait ce sortilège, mais il savait qu’elle était incapable de le maîtriser. De fait, une chaleur intense et un froid mordant se firent bientôt la lutte, détruisant pratiquement toute forme de vie. Le cataclysme ne dura pas plus d’une minute.

Ayant mis un terme à sa protection, Alix constatait les dégâts. Autour de lui, plus la moindre trace de la cabane de bois ; rien que des restes calcinés et une écœurante odeur de chair carbonisée. Naïla n’était qu’évanouie, le sort ne pouvant atteindre mortellement celle qui le jetait. Par contre, ses vêtements avaient roussi parce qu’elle n’avait pas su se protéger autrement que par instinct. Elle ne risquait plus rien pour le moment.

À l’extérieur comme à l’intérieur des limites de la masure, des dizaines de nixes reposaient, soit grillés, soit gelés, paradoxe étrange de ce sortilège d’un autre temps. Deux ou trois sorcières d’eau respiraient toujours, mais c’était les râles de l’agonie. Difficile de croire que l’une ou l’autre puisse survivre plus de quelques minutes. Des trois vouivres, seule la poitrine de Circa se soulevait encore faiblement. Elle tenta de parler lorsque Alix se pencha sur elle.

— Les enfants… elles sont dangereuses…

La créature se mit à tousser, puis elle roula sur le côté en crachant du sang.

— Elles sont – les mots se perdirent dans une quinte de toux – royaume des sirènes.

Dans un ultime effort, Circa agrippa le bras d’Alix et râla une dernière mise en garde :

— Quittez ce monde avant qu’il ne soit…

Le reste de la phrase mourut sur les lèvres de la vouivre. Il se produisit alors un phénomène étrange. L’escarboucle que Circa portait au front se détacha soudain et tomba sur le sol, gelé à cet endroit, dans un tintement déplacé. D’instinct, Alix ramassa ce trésor inespéré et le fit disparaître.

 

Le talisman de Maxandre
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